L’UNESCO a choisi le
23 avril comme Jour international du livre et du droit d’auteur. En souvenir du
23 avril 1605 lorsque William Shakespeare et Miguel de Cervantes ont eu la
mauvaise idée de mourir, plongeant la littérature mondiale dans le chagrin.
Pour mieux rendre la journée mondiale, les deux grand européens, ont été
rejoint au Paradis, le même jour, par le premier grand écrivain américain, l’Inca
Garcilaso de la Vega.
Mais on ne saurait pas
réduire les livres à une seule journée par an ! Moi je lis tous les jours
et tous les jours j’écris. Parfois je travaille dans un roman ou une nouvelle,
parfois je réécris, parfois je ne fais que penser aux livres, à l’écriture… et
j’en prends note (notes). En voici un petit florilège :
Lorsqu’un écrivain raconte l’Himalaya, sa parole ne manque
pas d’air. Bien au contraire, ses mots ont la grandeur, la pureté d’atmosphère
des grands sommets.
Je suis un écrivain méfiant. Chaque mot qui me tombe sous la
main, je la tourne et la retourne comme une chaussette avant de l’enfiler au bout
de ma phrase.
Il y a des lecteurs myopes et il y a des lecteurs presbytes.
Des lecteurs qui lisent de près et des lecteurs qui lisent de loin. Ceux qui ne
voient que l’ensemble, parcourant l’histoire à grandes enjambés, sans s’arrêter
devant les détails… et puis les autres, les meilleurs, qui lisent plus
attentivement, remarquant non seulement le tissu fin de l’histoire, mais aussi
les plus subtiles humeurs des personnages et la si riche et révélatrice matière
qui constituent la langue et la forme littéraire.
Tout écrivain est égocentrique et je n’y vois pas là un
problème. Par contre, il n’a pas le droit d’être égoïste. La littérature se
partage où n’est rien.
Lorsqu’on est bon lecteur, on vit ce que l’on lit. Ne vous
étonnez donc pas de trouver dans mes mémoire –si je consent à les écrire un
jour- des morceaux choisis des livres écrits par bien d’autres personnes, et
pas nécessairement de grands auteurs, car on peut lire en Grand ce qui a été
écrit petit.
En tant qu’écrivain je devrais être jugé sur ce que je dis
(par écrit) et pas sur ce que je fais (dans ma vie privée). A l’écris je suis
réfléchi, responsable, « efficace », professionnel ; tandis que
dans l’action je ne suis que brouillon. Dans la vie, je suis un amateur comme
les autres.
En France on parle trop de « texte » et pas assez
d’œuvre. C’est peut-être parce que ce dernier mot sonne pompeux, mais le
résultat est que l’on réduit l’œuvre à ce qui est effectivement –objectivement-
écrit, tandis que l’on perd le Daemon,
l’effluve, l’implicite, le rêve… ce qui fait transcendent l’Œuvre. On adore
l’idole et pas le Dieux qu’il est censé représenter.
Je veux écrire le mot « feu » et que ma feuille brûle.
Je veux écrire ruisseau et que ma feuille soit tout de suite trempée. Je veux
écrire « rose » et que ma feuille en prenne la couleur, la douceur,
l’odeur enivrante…
Nous les écrivains appartenons à la lignée de Cyrano et pas
à celle de Pinocchio. Nos mensonges sont bien mieux tissées et surtout non
aucun souci utilitaire.
Je ne pense pas à mes lecteurs lorsque j’écris. J’ai déjà
suffisamment à faire avec mes personnages, alors pourquoi m’encombrer d’êtres
qui ne jouent aucun rôle dans le livre. Le lecteur n’appartient pas au monde de
la création mais au monde de la réception (quitte à devenir un personnage du
livre qu’il lit, mais seulement dans son temps). Il faut donner à Dieu ce qui
est à Dieu, et à César ce qui est à César.
Tous les anthropologues et les historiens sont d’accord sur
un point : c’est l’écriture –et donc, la lecture- qui marque le début de l’Histoire.
Dans ce sens c’est la plus grande invention de l’humanité. Le jour où l’Homme
renoncera à la lecture –donc, à l’écriture- il reviendra à l’obscurité de la préhistoire,
rentrera-t-il en la posthistoire. Et ce sera la fin.
« Madame Bovary c’est moi » a dit Gutave Flaubert.
Mais tout juste qui soit la formule, ce n’est pas moins vrai que Madame Bovary
c’est le lecteur.
On dit souvent : « Les livres sont des compagnons ».
C’est vrai que tout lecteur se trouve en compagnie d’un auteur lorsqu’il lit.
Par contre l’auteur, lui, est tout seul… au même temps qu’il est peut-être lu par
des dizaines de gens. Mais il n’a pas la certitude d’être lu lorsqu’il entame
son œuvre. Cette solitude qui pèse sur lui est sa croix, mais aussi son autel.
Un grand éditeur c’est quelqu’un qui publie des livres
commerciales pour en gagner de l’argent. Un petit éditeur est quelqu’un qui
arrête de publier de la grande littérature pour ne pas perdre de l’argent.
Il y a des choses que l’on écrit parce qu’on ne les a pas
vécu (et en faisant cela on veut s’assurer de ne pas avoir à les vivre). Il y a
donc des choses que l’on peut écrire justement parce qu’on ne les a jamais vécu…
mais bien d’autres choses on ne peut pas les écrire qu’à condition de les avoir
expérimentés soi-même. Et, pour finir, il y a des choses que l’on écrit parce
qu’on sait qu’on n’aura jamais la chance de les vivre.
On ne choisit pas d’être écrivain. C’est la vie qui vous
fait ça. Après, vous pouvez vous laisser porter, vous relâcher ou vous
appliquer à la tâche vu que, en fin de compte, vous aimez ça. Dans la fatalité,
l’homme a toujours la possibilité de choisir.
Avant, l’écrivain jouait de ses mains à être un danseur :
la plume entre ses doigts faisant des entrechats, des pirouettes. Désormais, l’écrivain
joue à être musicien, ses doigts pianotant sur le clavier. Le son n’est pas
beau, mais les lettres qui en sortent composent de mots et des phrases parfois
très beaux.
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