mardi 1 octobre 2013

Littérature, Cuba, esclavage... et autres questions au lycée français de Bogota



J'ai visité le lycée français de Bogotá les 16 et 17 septembre à l'occasion d'un voyage professionnel en Colombie. En premier partie, j'ai dialogué avec les enfants sur mes oeuvres et mon travail d'écrivain.



Puis nous avons longuement évoqué la question de l'ésclavage, que j'aborde dans mon roman "La légende de Taita Osongo" (publié en français, espagnol et portugais). Cette année des élèves du lycée français de Bogotá visiteront Palenque San Basilio, l'un des rares campements de marrons ayand perduré dan le temps.

J'ai du répondre plusieurs questions autour de l'esclavage, sujet que j'aborde dans mon roman "La légende de Taita Osongo"

Au retour ils écriront un carné de voyage et sur la technique de celui-ci je travaillé avec l'une des classes. A la fin de ma deuxième journée au lycée Pasteur, j'ai travaillé avec des enseignants sur l'utilisation de la littérature à l'école.











Voici un résumé de ma visite, publié dans le site du lycée Louis Pasteur de Bogotá.

"La matinée avec l’auteur a permis à chacun de nous de voguer vers d’autres horizons, lointains ou non, de s’immiscer dans sa vie, ses expériences et ses passions. Un moment unique où l’auteur s’est dévoilé, a ouvert ses portes afin que nous plongions avec émotions dans ce monde qui à première vue semble éloigné. Au fil de ses récits, anecdotes, lectures, histoires, nous nous rapprochions de lui et l’identification se faisait plus naturellement. Il nous a conviés à un voyage à travers son parcours, ses écrits afin de susciter le goût pour les
livres, les histoires et la littérature. Nous avons pu suivre son évolution depuis sa tendre jeunesse cubaine jusqu’à aujourd’hui, le Franz Liszt parisien qui mêle les mots à ses partitions quotidiennes pour ensorceler le lecteur, presque l’envoûter. Il a su mettre en exergue son métier afin de susciter, pourquoi pas, des vocations chez nos élèves.
Nous avons pu bourlinguer de livre en livre, depuis ses premières productions, découvrir un conte autour de l’esclavagisme au temps des plantations de canne à sucre, de tabac, de café et comprendre mieux l’histoire de l’esclavage, de la traite négrière, du commerce triangulaire et l’évolution des droits de l’homme et du citoyen jusqu’à nos jours."


http://www.lfbogota.com/spip.php?article1033 




j'ai aussi montré, bien entendu, mes livres en français


El pájaro libro (en français "L'Oiseau-lire, chez Belin) est l'un de mes best-sellers

Un détail sympatique: mur de la cantine du lycée...





dimanche 18 août 2013

Le ministère d'éducation d'Argentine offre 17 000 exemplaires de "La légende de Taita Osongo"




 Le Ministère d’Education de l’Argentine vient d’offrir 16 892 exemplaires de mon roman La légende de Taïta Osongo aux écoles publiques de la nation. Il s’agit d’une édition spéciale de Fondo de Cultura Económica, la plus grande maison d’édition de l’Amérique Latine, qui depuis 2006 assure la diffusion de l’ouvrage en langue espagnole avec les illustrations de mon compatriote Ajubel (lauréat, entre d’autres nombreux prix, du prestigieux Bolonia Ragazzi Award). 

La légende de Taïta Osongo est un roman pour adolescents sur de l’esclavage, la traite et le racisme. Ce n’est pas un récit historique aux intentions pédagogiques plus ou moins dissimulées, mais un vrai roman où la magie, l’amour et l’aventure sont portés par une écriture poétique. Cela ne veut pas dire que j’ignore ou que je m’écarte de la réalité historique ni du traitement rigoureux qui mérite la question de l’esclavage. D’une façon plus ou moins consciente, mon but était de récréer le difficile processus de métissage dans lequel se forgea non seulement le peuple cubain, mais encore, très concrètement, ma propre famille. Par son fond, mais peut-être aussi par sa forme, il s’agit de mon roman le plus ambitieux.


En 2005, je rencontre mes lecteurs à Maripasoula,
centre administrative l'Amazonie guyanaise.
La plupart de ces jeunes descendent des marrons
qui ont fuit autrefois les plantations esclavagistes françaises
 dans la région.


La légende… raconte l’affrontement entre Taïta Osongo, roi-sorcier d’un pays imaginaire d’Afrique, et le rusé négrier Severo Blanco, qui réussit à réduire en esclavage le premier ainsi que de nombreux hommes et femmes de son peuple. Devenu un planteur tout-puissant, Severo Blanco verra son monde s’écrouler lorsque sa fille de 15 ans et le petit-fils de Taïta Osongo tombent amoureux et décident fuir dans la forêt avec l’aide de celui qui est devenu un vieux marron isolé... mais pas vaincu. Evidemment mon histoire ne finit dans un pas de happy-end, mais la défaite de l’esclavagiste n’est pas moins déffinitive.

Mon roman puisse dans la tradition, mais pas là où l’on l’attendrait: les cultures afro-américaines. Je m’inspire surtout dans la littérature cubaine (Nicolas Guillén, Onelio Jorge Cardoso) et universelle (recyclant la structure d’un vieux conte russe).

La première version de La légende de Taïta Osongo a été récompensée par un prix donnant droit à publication, mais je savais mon manuscrit imparfait. J’ai tardé 18 ans à en découvrir la cause: le personnage de Severo Blanco manquait de passé et donc de véritable existence. Puis, il me suffit d’ajouter quelques détails au début de l’histoire et j’ai pu la présenter à mon éditeur de l’époque, Hachette. Celui-ci ayant trop tardé à me répondre, j’ai cédé les droits pour la langue française à Ibis Rouge, séduit par l’idée de publier un roman sur l’esclavage dans un territoire de la Caraïbe victime autrefois de l’innommable crime.

 

Deux ans plus tard, La légende de Taïta Osongo était publié en espagnol : d’abord au Mexique (par Fondo de Cultura Económica, le plus grand éditeur de l’Amérique Latine) puis à Cuba et, entretemps, traduit au Brésil.  En 2009, le réputé Centre de recherche et promotion du livre pour la jeunesse Banco del Libro (Venezuela) l’a choisi comme l’un des meilleurs romans pour adolescents publiés dans la période.

L’adoption de l’ouvrage par le ministère d’éducation d’un pays qui n’a pas été profondément marqué par l’esclavage des noirs, est la confirmation de son autonomie narrative. Il n’y a pas de sujet plus universel que la révolte contre l’injustice, qu’elle soit d’origine économique, politique, religieux, ethnique ou autre.
Les 3000 exemplaires édités par Ibis Rouge ont tardé 9 ans à être épuisés. La faute aux insurmontables difficultés qui ont les éditions de l’Outremer dans marché du livre hexagonale. Aujourd’hui pratiquement épuisé, j’espère disposer d’assez d’arguments pour mettre mon roman, cette fois-ci, entre les mains du large public qu’il semble mériter.


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Notes critiques, témoignages et extraits de l'ouvrage dans la page  La légende de Taita Osongo incluse dans ce même blog:
 
Voir également :
 
 
 

mardi 13 août 2013

un conte pour l'été, tout frais et gratuit


 

Le père de Rose était marin. C’était le marin du Pays Royaume Village.
Le lundi, le mercredi et le vendredi soir, il partait à la pêche. C’est pourquoi le mardi, le jeudi et le samedi, sur le tout petit marché de la toute petite place du village, on pouvait entendre sa femme s’égosiller :
« Pour qui ces sardines fines ? Ces poulpes pourpres et pulpeux ? Tout frais, tout prêt. Oh ! le beau, le gros tourteau ! »
Les autres jours, ceux qui avaient envie de poisson devaient se contenter de petits poissons multicolores de leur aquarium. Ou alors, ils n’avaient qu’à ouvrir une boîte de poisson-chat en chocolat, un flacon de poissons-papillons ou tout bêtement croquer un poisson-cheminée fumé.
Le mardi et le jeudi, le père de Rose faisait du commerce. Il rapportait au Pays Royaume Village toutes sortes de choses que l’on ne trouvait pas sur le minuscule territoire : carpes de cirque, étoiles filantes, poissons d’avril, neige déshydratée emballée sous vide à Singapour et quantité d’autres marchandises tout aussi utiles que la mère de Rose vendait ensuite au marché.
Le samedi, le marin décorait son bateau avec des guirlandes et des lampions, et organisait des excursions. Sa femme encaissait les entrées : un demi-sou pour aller aux îles Sous-le-Vent, qui étaient en fait quatre récifs couverts d’algues, et un autre demi-sou pour se rendre aux îles Au-Vent, qui n’étaient en fait autre chose que quatre récifs entourés de bancs de corail. Pour éviter de couper leurs pièces en deux, les gens faisaient la visite complète. Sauf l’avare du village, qui préférait s’ennuyer assis sur l’un des récifs pendant que les autres continuaient la visite.
Une seule fois dans sa vie, le père de Rose était parti comme marin de guerre, mais il avait si peu apprécié que, par respect pour lui, je n’en dirai rien.
Le dimanche, le marin se reposait et son bateau prenait le soleil. Sa femme se prélassait aussi et la place du minuscule marché (la seule dans tout le Pays Royaume Village) était envahie par les promeneurs endimanchés.
C’est lors d’un de ces dimanches paisibles que la future mère de Rose sentit dans son ventre le premier petit coup de pied de la future Rose.
« Hé, monsieur mon mari ! s’écria-t-elle. Je t’annonce que notre fille naîtra dans sept mois, huit semaines, neuf jours, dix heures, onze minutes et douze secondes. »

Le père de Rose bondit de joie, si haut qu’il passa par la fenêtre et retomba dans la piscine du palais royale. Comme la piscine était très petite, l’eau déborda, mouillant au passage la reine qui étrennait une nouvelle robe.


On ne mit pas le père de Rose en prison pour autant parce qu’il était le seul marin et que Sa Majesté détestait le poisson-chat en chocolat, le bouillon de poisson papillon et le poisson-cheminée sous toutes ses formes. Mais la reine fit un tel scandale qu’il fallut lui promettre que la fillette porterait son nom.

 
 
 
« Allons bon, se dit la future mère, Rose est un joli nom. »

Dans le Pays Royaume Village, quatre-vingt-six pour cent des petites filles se prénommaient Rose (c’est-à-dire une pour chaque colère de la reine), mais il n’y avait pas de confusion car la coutume voulait qu’on donne un surnom à chaque nouveau-né.
Le surnom ne pouvait être choisi à tort et à travers (il y avait déjà une Marie Tordue et une Sophie de Travers). L’affaire était très sérieuse et les parrains s’en occupaient.
C’était d’ailleurs le gros problème du père de la petite Rose de notre histoire. Lequel de ses compères aurait l’honneur et le privilège de donner un surnom à sa fille ?
Tu auras sans doute remarqué, cher lecteur, un détail que je n’ai pas encore mentionné : comment le Pays Royaume Village, qui était si petit, pouvait-t-il avoir une mer ?
C’est compliqué. Faisons un peu d’histoire.
Autrefois, le Pays Royaume Village s’appelait Pays Royaume. Il était grand, plus grand qu’une crotte de mouche sur la carte du monde (au moins grand comme deux crottes de mouche).
A cette heureuse époque, le Pays Royaume s’étendait jusqu’à la mer. Mais après la Guerre Héroïque et Historique d’Extension de la Souveraineté de la Patrie menée sous le règne de Tibout VII l’Incomplet, le pays voisin s’était emparé de toute la partie côtière du territoire, ne laissant que les huit récifs dont je t’ai parlé et l’accès à la mer par le fleuve Petitpeu (celui-là même que le père de Rose empruntait avec son petit bateau du lundi au samedi).
Le fleuve Petitpeu n’était vraiment pas bien gros : sans l’aide de compère Vent du Nord qui soufflait sur la voile le matin et de compère Vent du Sud qui la gonflait le soir, le marin n’aurait jamais pu atteindre la mer sans se rames (elles auraient frotté contre les berges) ni sa godille (elle aurait heurté le fond). Et dans un cas comme dans l’autre, cela aurait provoqué un nouveau conflit avec l’Archi-Maxi-Méga-Empire, propriétaire des berges et du fond du fleuve…
Le père de Rose était donc très reconnaissant à ses compères et ne pouvait se passer d’eux pour compléter le nom de sa fille.
« Tu te noies toujours dans un verre d’eau, lui reprocha sa femme, dont le ventre s’arrondissait à vue d’œil. Nous n’aurons qu’à lui donner les noms des deux vents.
─Mais ils sont plus que deux ! protesta le mari marin. Comment pourrais-je oublier le Vent d’Est, qui me pousse vers le large quand je vais à la pêche au thon, ou le Vent d’Ouest, qui me ramène quand la cale est pleine ? Et le Vent du Nord-Est, hein ? Sans lui, je ne pourrais pas récupérer la marchandise au Cap-des-Affaires. Et il me serait impossible d’acheminer les produits du royaume jusqu’à Port-au-Prix sans le secours de mon compère Vent du Sud-Ouest. Et je ne te parle même pas du Vent du Sud-Sud-Est, qui une fois…
─Assez, assez, cria la future mère qui venait de sentir dans son ventre un petit coup de pied impatient. Nous l’appellerons Rose des Vents et tout le monde sera content ! »
C’est ainsi que le bébé fut prénommé Rose des Vents. Tous les parrains assistèrent au baptême. Ils mangèrent des gâteaux et firent des farces, burent du punch et chantèrent de vieilles chansons. Mais comme l’alcool leur était monté à la tête (qu’ils avaient légère), les vents se mirent à danser et provoquèrent une telle bourrasque que le Pays Royaume Village faillit disparaître de la carte.

Extrait de  Les aventuriers du cerf-volant. Publié (puis sottement sorti de catalogue) par Hachette. Paris, 1998 . Illustrations : Gabriel Lefèvre. Traduction : Mireille Meissel.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Sélectionné par la Bibliothèque Internationale de la Jeunesse (Munich) comme l’une des meilleurs livres pour la jeunesse publiés dans le monde en 1996 (Sélection The White Ravens).

Prix La Rosa Blanca aux meilleurs livres d’auteur cubain de l’année. Union des écrivains de Cuba.

Edité originalement sous le titre  « Aventuras de Rosa de los Vientos y Juan Perico de los Palotes » par:

Editorial Capiro. Santa Clara, Cuba, 2001

El Arca. Barcelona, 2001. Illustrations de Daniel Sesé.

Alfaguara. Buenos Aires, 2004. Illustrations de Xulián (Julián Roldán)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Version électronique en anglais, espagnol et galicien de l’un de contes-chapitres : « Así empezaron las aventuras de Rosa de los Vientos y Perico de los Palotes ». Editorial Galaxia. Pontevedra, 2012:   
                                    http://galaxiatales.com/ver/4
 
 
 

Cuba, terre des débrouilles

  Une fois n'est pas coutume. Habituellement je parle de littérature jeunesse. C'est la spécialité que je cultive en tant qu'aut...