Tout au long de l’année
scolaire 2016-2017 j’ai conduit un atelier intitulé Conte et Littérature à l’école
du 59 bis rue de Romainville au XIX arrondissement de Paris.
Comme c’est l’habitude
dans les projets coordonnés par la Ligue de l’enseignement, chaque trimestre
les enfants peuvent choisir un atelier différent. Chaque trimestre, donc, j’ai
eu des enfants différents à ma charge… et j’ai modifié ma procédure en fonction
du groupe : homogénéité, classe d’âge, niveau académique, motivation…
Chaque fois j’ai commencé
par présenter, de façon ludique, les éléments composant un conte ou histoire et
organisé des jeux de création rapide d’une petite histoire. J’ai aussi raconté
des histoires en me servant de cet excellent outil qui est le kamishibaï et quelques-unes des histoires que j’ai déjà
publiées, en particulier celles dont je suis l’auteur & illustrateur… car l’illustration,
élément inséparable su livre pour la jeunesse, n’était pas absente du projet.
La cerise sur le
gâteau a été chaque fois la création d’une ou de plusieurs histoires dont les
auteurs étaient de petites équipes de deux ou trois enfants, le groupe dans son
ensemble ou, exceptionnellement, un seul enfant ayant déjà une expérience de
création et le désir de travailler tout seul.
9Les résultats ont été variés,
toujours intéressants. Dans l’ensemble, je crois que les enfants ont passé de
bons moments et ont appris de petites choses sur la création littéraire.
L'atelier Conte et littérature n'est pas un projet d'initiation à l'écriture. Le but n'est pas d'emmener les enfants à écrire des contes ou autres fictions, mais de les approcher du conte, des histoires (écrits, oraux voire appuyés sur des images). C'est pourquoi je me suis permit d'intervenir activement dans la création de quelques unes des histoires produites tout au long de l'année.
L'atelier Conte et littérature n'est pas un projet d'initiation à l'écriture. Le but n'est pas d'emmener les enfants à écrire des contes ou autres fictions, mais de les approcher du conte, des histoires (écrits, oraux voire appuyés sur des images). C'est pourquoi je me suis permit d'intervenir activement dans la création de quelques unes des histoires produites tout au long de l'année.
Ce fut le cas au troisième trimestre. Le mois de juin était trop chaud et poussait un peu à la paresse, le groupe, assez hétérogène, produisait des textes trop éloignés en ton, style, complexité et longueur. Je n’ai tout d’abord songé qu’à faciliter la cohabitation entre les trois histoires, mais je me suis pris au jeu et, tout en conservant chaque mot produit par les enfants et en discutant avec eux les options de mon cru, on a fini par « pondre » ce qui suit :
L’APPRENTIE SORCIERE,
LE PRINCE AMOUREUX
ET LE DRAGONSAURE
DE LA
GROTTE DE CRISTAL
Conte composé par Joel à partir
d’idées, textes et personnages de :
Aïsseta CE2b - Amir CE1b - Namizata CPb - Carol CE1a - Grâce CM1b -
Hanna CM1 - Ibrahim CPb - Marc CPa - Mohammed
CM1a - Yanis CE1a
Atelier Conte et littérature
Ecole du 59bis rue de Romainville.
Paris XIX
Année scolaire 2016-2017, troisième
trimestre
Coordonné par Joel Franz Rosell
Chapitre 1
LES APPRENTIES SORCIERES
C’est le premier jour d’une
apprentie sorcière à L’Ecole supérieure de magie-culture, plus généralement
connue comme Magic Sup.
Plus qu’une simple école, Magic
Sup était une véritable ville dans la ville. L’ensemble de bâtiments qui
composaient l’école se dressait sur une colline densément boisée et entièrement
encerclé par un mur d’enceinte de cinq mètres de haut agrémenté ici et là de tourelles
ornées de gargouilles grimaçantes. Ces gargouilles étaient en pierre grise et
très anciennes, comme le prouvaient ses nombreuses tâches, craquelures et bouts
manquants. Néanmoins, dans leurs orbites de vieille pierre, les gargouilles
cachaient des yeux injectés de sang qui surveillaient attentivement les
alentours. Dès qu’un passant s’y attardait trop, leurs gueules béants se mettaient
à crier des insultes, à lancer des malédictions terribles ou à hurler à la mort.
On racontait même que si quelqu’un osait escalader le mur, les gargouilles
prenaient vie et se lançaient sur l’intrus pour le déchiqueter avec leurs crocs
et leurs serres. J’ai déjà dit qu’il s’agissait de très vieilles sculptures en
pierre, mais si elles manquaient parfois d’une oreille ou du bout de la queue,
leurs serres et crocs étaient solides et affutés… comme si c’était la veille
qu’ils avaient été taillés dans une pierre plus dure que le reste !
L’arrivée à Magic Sup était toujours
très impressionnante pour les élèves de première année, qui le découvraient un
mardi de septembre ou, comme par hasard, le ciel était toujours noir, le vent
puissant et les éclaires nombreux.
Chaque bâtiment de la vaste école
était d’un style différent : les dortoirs ressemblaient à des
château-forts du moyen âge, le bâtiment d’administration était une sorte de
gigantesque cabane de sorcière, la bibliothèque concordait à l’idée que l’on se
fait d’une cathédrale gothique en ruines et le réfectoire avait carrément l’air
d’un grand mausolée volé d’un cimetière.
L’apprentie-sorcière qui allait
avoir un rôle si important dans mon histoire n’était pas la moins impressionnée
le jour de sa rentrée scolaire. Elle était plutôt petite pour son âge, mais
fort agile et pas bête du tout. Avec ses cheveux d’un violet intense et ses
nombreuses tâches de rousseur en forme d’étoiles elle avait de quoi passer
inaperçue entre les nombreuses bizarreries, artificielles ou naturelles que
l’on trouve normalement entre sorciers et magiciens. Elle s’appelait
Dringmachinchose Queçasautelorsqueçafaitdring, mais partout on l’appelait
tout simplement Dring-dring.
Dring-dring était dans la classe
de la très stricte Mme. Tricteur, plus connue comme le Boa Constricteur parce
que lorsqu’elle prenait un élève en grippe, elle ne le lâchait plus. Les dons
magiques de Dring-dring ne s’étaient pas manifestés avant l’âge de sept ans et
ses parents avaient négligé son éducation. C’est pourquoi elle avait plus de
difficultés que se petits camarades à suivre les cours. Mme. Tricteur en était
parfaitement au courant mais loin de se montrer compréhensive, elle n’était que
plus exigeante.
La meilleure copine de
Dring-Dring qui s’appelait Namicrochetdroit Delacastemaline, plus simplement
nommée Namiline faisait son mieux pour l’encourager.
-Tu es né sorcière et la magie
est en toi. Ce n’est pas parce qu’on a oublié de t’apprendre trois trucs de
base pendant ta petite enfance que tu réussiras moins bien que les autres. Ma
grand-mère était comme toi. Pire, elle n’a découvert ses pouvoirs qu’à 15 ans
et tout-à-fait par hasard ! Elle n’a donc pas fait d’études… et pourtant
c’est elle la plus grande sorcière du village.
-Mais je ne suis pas au village,
comme tu dis, mais à Magic Sup. Je suis entourée de sorciers, apprentis sorciers,
collégiens sorciers et étudiants sorciers qui savent plein de choses que
j’ignore, se plaignait Dring-dring. Et pour couronner le tout, j’ai le Boa Constricteur
comme professeur principal.
-Et ben, justement ! Tu ne
manques pas de stimulation. Et Mme. Tricteur a beau être très stricte, elle
n’est pas moins le prof le plus doué de Magic Sup. Avec elle, même les plus
bêtes apprennent.
-Tu vois, soupira Dring-dring
découragé. Tu le dis toi-même : je suis bête.
Namiline serra son amie dans ses
bras.
-Mais non ! Arrête tes
bêtises… Pardon, je veux dire… Bref : à partir d’aujourd’hui on va
toujours réviser le livre des sortilèges ensemble. Puis, il te faut avoir une bonne
baguette et une tenue convenable. On ira cette après-midi faire des
emplettes et en chemin, on répétera les nouveaux mots magiques. Il faut
toujours apprendre les mots magiques par cœur.
L’apprenti sorcière Dring-Dring
fit oui de la tête, décidée à commencer tout de suite la mise en application de
ces conseils.
Chapitre 2
L’ECOLE ROMANTIQUE
Je n’étais pas du tout content
lors de mon entré à l’Ecole internationale des princes et princesses
« Têtes Couronnées ». C’est une école privée, bien entendu, et l’on
ne peut y rentrer que lorsqu’on est fils de roi, fille de reine (les deux à la
fois, ou au moins l’une de deux choses). Vous pouvez imaginer un endroit
pareil ? Moi, Victor de Haut-le-Cœur, je suis bien placé, car
j’ai quatre frères et sœurs, pour savoir que les princes et princesses sont des
gens insupportables, imbus de leurs privilèges, gâtées par leurs serviteurs et
leurs souverains de parents.
En famille, tant d’orgueil et de
caprices deviennent supportables parce que l’on s’aime bien, parce que l’on se
connait depuis toujours ou tout simplement parce que chacun sait quelle est sa
place et n’a rien à démontrer. Mais dans une école des princes et des
princesses où chacun veut démontrer qu’il est le plus vaillant ou la plus
belle, je devinais que cela tournerai vite au vinaigre.
Pourtant, mon premier jour de
classe c’était le désastre… et en même temps très romantique. Car j’ai eu la
chance de tomber à côté de la princesse la plus capricieuse… et la plus belle
au monde !
Belleaumonde de Plusquepersonne
était ravissante comme une image, blonde comme le soleil, avec des cheveux
longs comme le bras et des yeux bleus comme le ciel au printemps. Son sourire
valait un empire et sa voix était de la soie…
Bref, je suis tombé amoureux
d’elle à l’instant. Littéralement foudroyé.
J’avais la chance d’être rentré à
l’école Têtes Couronnées au même temps qu’une amie trop chère, ma cousine
Melousine de Moncoeur, du château à côté de chez-moi, et à la recréation on
discute de la princesse.
-Il faut que je le lui
disse !
-Quoi ?
-Que je suis amoureux d’elle.
-Absurde ! Tu la connais
depuis 45 minutes.
-Et alors : c’est un coup de
foudre, et un coup de foudre ne dure même pas 45 secondes.
-Tu délires, mon cher Victor !
-Délire d’amour.
Ma cousine Melousine me regarde
avec attention pendant… je ne sais pas, 15 secondes peut-être et puis, avec un
soupir elle me dit :
-Oui, tu es amoureux. Chez vous,
les princes de Haut-le-Cœur, l’amour se manifeste avec des petits changements
physiques que je viens d’apercevoir.
-Quels changements ?
demandais-je inquiet. Moi je ne me sens rien de bizarre.
-Prends ce miroir et
regarde-toi ! répondit Melousine illico :
Sur son petit miroir d’argent,
j’ai retrouvé mon visage… En fin, quelque chose qui ressemblai énormément à mon
visage, car j’ai pu constater que la pupille de mes yeux était devenu carrée,
que mes sourcils avaient légèrement poussés, que mes taches de rousseur avaient
pris une curieuse forme étoilée et que mes oreilles étaient désormais
légèrement pointues. En fait, quelqu’un qui ne me connaîtrait pas très bien, ne
s’en apercevrait certainement pas, mais…
-Ce n’est qu’un début, prophétisa
ma cousine Melousine. Mais si tu lui dis que tu l’aimes et que, par hasard,
elle te dit oui… Tu deviendras de plus en plus bizarre… et ça finira en
drame ! Rends-toi compte : tu n’es pas tombé amoureux de n’importe
quelle princesse, mais de la princesse capricieuse.
Je commençais à comprendre.
-Qu’est-ce qu’on fait alors ?
-Il faut trouver un
désensorcelleur.
-Un quoi ?
-Un desensorcelleur. Un bon
désensorcelleur qui te désensorcellera.
-Mais je serai toujours amoureux ?
voulu-je savoir tout de suite.
-Oui, hélas, soupira ma cousine
Melousine. Tu seras toujours aussi bête, Victor, mais cela se verra moins.
-Alors je veux bien… Où est que
l’on peut trouver ce desen…chose.
-Dans la colline d’en face,
évidemment, répondit ma cousine qui était (je ne l’ai pas encore dit) toujours
au courant de tout.
Je levai les yeux par-dessus les
grilles en bronze dorée de notre école de princes et de princesses et j’aperçu
un sinistre mur de pierre gris ornée d’abominables tourelles et de gargouilles
encore plus hideuses.
-Que veux-tu dire ?
-L’école voisine regorge de
sorcières et magiciens. C’est la célébrissime Ecole supérieure de la magie-culture.
-Magic Sup ? balbutie-je. On
est voisins de ça ?
-Et tu devrais t’en réjouir, fit
ma cousine. Parce qu’on a besoin d’une apprentie sorcière, de préférence d’une
qui n’aurait pas été trop abîme par l’enseignement de la magie moderne et qui,
de ce fait, saura trouver en son for intérieur la magie nécessaire pour
désensorceler un prince de Haut-le-Cœur tombé bêtement amoureux d’une
princesse capricieuse.
Chapitre 3
LE DRAGONSAURE DE LA
GROTTE DE CRISTAL
« Il était une fois un dinosaure qui rencontra un monstre gluant.
Le monstre était extra-terrestre et s’était réfugié dans une grotte de cristal
de sa propre construction. Ceci s’est passé dans l’année -65 million,
c’est-à-dire il y a très-très-très longtemps. Si longtemps qu’à l’époque il
n’existait pas un seul humain sur Terre. Il n’y avait même pas des mammifères
comme ceux que nous connaissons aujourd’hui… et nous les hommes, ne
l’oubliez pas, nous sommes des mammifères très évolués.
Vers l’an -65 million,
justement, se produit la Grande Extension des dinosaures et bientôt, ils
s’épanouissaient sur notre planète des mammifères, des poissons, des insectes
et autres animaux que nous n’aurions plus de mal à reconnaître … »
Le professeur de Monstrelogie comparée
leva les yeux de ses notes et regarda ses élèves l’un après l’autre. Il était
si vieux qu’on l’aurait cru témoin de cette très très lointaine préhistoire
qu’il racontait. Il était chauve, ridée comme un rideau plié et portait de
lunettes avec des verres si épais que ses yeux semblaient flotter à une
certaine distance de son visage.
« Ce qui provoqua
l’extension des dinosaures c’est la chute d’une énorme météorite dans ce que
l’on connaît aujourd’hui comme le golfe du Mexique. Dans la panique, le
dinosaure de notre histoire tomba dans l’abri qui s’était fabriqué le monstre
gluant. Ce monstre était vraiment gluant, si gluant qu’il colla au
dinosaure. Ils étaient si collés l’un à l’autre qu’ils se mélangèrent, se
confondirent et finirent par n’en être qu’un seul et unique individu. C’est
comme cela qu’il est né le premier dragon de l’histoire : un croisement
parfait de dinosaure et de monstre gluant doté d’ailes et crachant du
feu… »
TRALALALALALALALA,
TRALALALALALALALA, TRALA LALALALAAAA !
C’était la sonnerie de l’Ecole
internationale des princes et princesses qui annonçait la fin de cours. Les
élèves se mirent bruyamment débout et abandonnèrent la salle de classe en
trombe. Lorsque le vieux professeur fini de ramasser ses affaires, il était
seul dans la classe et peut-être dans tout le bâtiment. Et pourtant, il se
pressait car il avait encore un cours à faire…
-Ou-là-là ! se dit-il. Au
prochain trimestre j’exigerai que l’on me change les horaires. Je ne peux plus
continuer à faire la navette d’un collège à l’autre. Même si Magic Sup se
trouve dans la colline d’en face, je ne suis plus en âge d’utiliser un balai
volant…
Car, en effet, le vieux
professeur de Monstrelogie comparée de l’école Têtes Couronnées était un
sorcier qui enseignait la même matière à l’Ecole supérieure de
magie-culture !
Il ferma la porte de la salle de
classe à double tour, sorti son balai volant d’un placard également fermé à clé
et se plaça devant la grande cheminée avec son cartable sous le bras gauche et
le manche du balais bien saisi de sa main droite. Puis, il plia les jambes et chantonna :
Abracadabra,
envole-toi plus vite que ça
Mais doucement, Mimi Cra-cra !
Il partit comme un pétard,
laissant derrière lui une traîné de fumée qui sentait la poudre et un nuage de
petites étoiles.
-Waou ! m’écria-je. Il est
incroyable le vieux !
-C’est vrai qu’il déchire !
avoua ma cousine Melousine. Mais, tout de même, appeler son balai volant Mimi
Cra-cra…
-C’est rigolo, non ?
-Justement, répondit Melousine.
Trop rigolo pour un crouton comme lui.
Nous nous étions cachés au fond
de la classe et avions assisté, médusés, à la transportation magique de celui
qui nous n’appellerions plus jamais Monsieur Croûton.
-Mais comment savais-tu qu’il
était sorcier ? demandais-je à ma cousine.
-Oh, j’avais entendu des rumeurs,
répondit-elle évasive.
J’ai su tout de suite qu’elle
mentait, mais je ne pouvais pas deviner à l’époque ce qu’elle me cachait. De
toute façon, en ce moment-là je ne pensais qu’aux moyens nécessaires pour vivre
mon amour avec Belleaumonde de Plusquepersonne.
-Alors, on y va ?
-Il n’y a pas le feu. Ils ont
encore une heure de cours, eux.
-Oui, mais quand même…
-D’accord, d’accord. On y va.
Une demi-heure plus tard, le
professeur de Monstrelogie comparée approchait la fin de son cours dans la classe
de CME (Cours de magie élémentaire) à laquelle assistaient Dring-dring et Namiline.
« …Le premier témoignage
écrit sur l’existence des dragons, nous la devons à un monsieur qui se promenait
avec son loup apprivoisé. Le monsieur était le secrétaire du marquis
Plusquepersonne, arrière-arrière-arrière ancêtre du roi Beaumond I de
Plusquepersonne, actuel souverain de l’Ile de Capri. Monsieur Petitmenteur
avait l’habitude de se promener très tard la nuit en compagnie de son loup.
C’était une mesure de prudence car les villageois, ses voisins, n’apprécient
pas trop la présence d’un loup, même apprivoisé, près de leurs moutons et
brebis… »
-Il est n’est pas très concentré
aujourd’hui le prof, murmura Dring-dring à l’oreille de sa voisine de table, sa
copine Namiline.
-C’est normal, répondit celle-ci.
Il est tombé sur la tête en atterrissant tout à l’heure dans la cour. Et
pourtant, c’est un petit vol depuis l’école Têtes Couronnées ou il fait ses
cours le matin.
-Mais pourquoi est-ce que l’on
donne des cours de Monstrelogie aux princes et princesses ? s’étonna
Dring-dring.
-Depuis toujours, les dragons
affectionnent les princesses, et les princes veulent tuer au moins un dragon dans
leur vie, expliqua Namiline. Tu ne peux pas ignorer ça tout de même ! C’est
écrit dans les contes !
Un épais silence s’était saisi de
la classe. Namiline et Dring-dring comprirent trop tard que le professeur les
avait surpris en plein bavardage.
-Alors ces demoiselles s’imaginent
qu’elles peuvent empêcher leur vieux professeur de les entendre en s’entourant
d’une bulle anti-prof ? dit Monsieur Crouton après avoir crevé leur bulle d’isolement
magique d’un petit coup de baguette. Vous aurez une heure de rétention.
En retournant à sa table, le
professeur de Monstrelogie précisa :
-Je ne vous punis pas parce que
vous bavardez en classe, mais parce que vous manquez de discernement. Comment
pouvez-vous croire qu’un sortilège aussi primitif que la bulle anti-prof peut
détourner l’attention d’un sorcier de mon niveau ?!
Et il continua son récit comme si
de rien n’était :
« Monsieur Petitmenteur se promenait
donc un soir avec son loup lorsqu’il vit s’abattre sur lui la colossale bête
qu’il décrit comme ceci : « 4 ailes avec des piquants vénéneux, 6
pattes, crachant de toiles d’araignée et du feu violette… »
Quelqu’un peut me dire de qu’elle
espèce s’agissait ?, demanda-t-il en regardant les élèves par-dessus ses
épais lunettes.
Plusieurs mains se levèrent et,
comme à son habitude, le vieux professeur choisi un des élèves qui n’avait pas
levé la main.
-Monsieur Laberlue ?
-Un dragon mauve, dit l’élève.
-En plus d’être un élève
paresseux, vous ne vous lavez pas les oreilles, répondit le professeur avec un
sourire sarcastique. Voyons monsieur Lebonsouffle, qu’est-ce que vous avez
soufflé à votre camarade ?
Le gentil Lebonsouffle, les joues
en feux, se mit débout et répondit :
-Et qu’est-ce qui est faux dans
la description ?
-Les six pattes, monsieur.
-Exact, dit le professeur. Un
dragonsaure a, en effet, deux pairs d’ailes avec des piquants vénéneux, il
crache du feu violet et des sortes de toiles d’araignée, mais… il n’a que deux
pattes. On peut donc supposer que le témoin, monsieur Petitmenteur, avait si
peur qu’il a confondu les pattes du dragonsaure avec celles d’un autre animal,
probablement un bœuf ou un tout autre quadrupède, qu’il avait capturé avec ses
puissantes griffes.
Le professeur revint à ses notes
et lut :
« Monsieur Petitmenteur fut courageusement
protégé par son loup et il eut le temps de se réfugier dans une grotte dont il
ne connaissait jusqu’à ce jour l’existence. A son grand étonnement, la grotte
était en cristal. Il s’y croyait en sécurité mais quelques minutes plus tard il
vit le dragonsaure entrer par l’autre bout de la grotte. Et alors… »
ABRACADABRA, ABRACADABRA,
ABRACADABRAAAAA !
C’était la sonnerie de l’Ecole
supérieure de magie-culture qui annonçait la fin de cours. Les élèves se mirent
bruyamment débout et abandonnèrent la salle de classe en trombe.
Dring-dring et Namiline sortirent
les premières.
-On n’a pas vraiment de
chance ! soupira Dring-dring. Une heure de colle justement le seul jour de
la semaine où on a le droit de sortir pique-niquer au Prés-du-bonheur au lieu
d’être forcées de déjeuner dans l’infecte réfectoire.
-C’est ma faute, avoua Namiline.
Que tu ne saches pas que la bulle anti-prof ne marche pas avec tout le monde,
passe. Mais moi, je le sais très bien.
-Ne prends pas la chose à cœur,
dit généreusement Dring-dring. Tu as cru que Monsieur Crouton n’était pas en
forme à cause de son accident de balai volant.
Elles allèrent quand même se
détendre sur les grasses pelouses du Prés-du-bonheur. Les heures de colle
commençaient seulement après la pause-déjeuner. Elles venaient à peine de
déballer leurs sandwichs, lorsqu’elles virent s’approcher un garçon et une
fille d’environ seize ans. Ils portaient des robes noires à capuche semblables
à celles des apprentis sorciers, mais à leurs manières distinguées on devinait
qu’il ne s’agissait point d’élèves de Magic Sup.
-Bon appétit, dit la fille
encapuchée. Peut-on vous déranger un instant.
Dring-dring et Namiline venaient
de mordre dans leurs sandwiches et ne répondirent qu’avec un mouvement de tête.
-C’est gentil, poursuit le
garçon. On a vraiment besoin d’un petit service.
Chapitre 4
APPRENTIE SORCIERE AIDE
PRINCE ET PRINCESSE
-Comment avez-vous fait pour passer ?
demanda la plus grande des apprentis-sorcière. Pour entrer à Magic Sup il faut
montrer au gardien une carte de prof ou d’élève magicien.
-Nous nous sommes déguisés,
dis-je.
Mais celle que j’appris plus tard
à appeler Namiline me rit au nez.
-A d’autres avec ces
sornettes ! On ne trompe pas l’ogre portier avec un truc aussi simple.
-C’est que nous avons cueillis la
poussière d’étoiles laissée derrière par notre professeur de Monstreologie
lorsqu’il a quitté la salle de classe sur son balai volant, expliqua ma cousine
Melousine. On a dissout la poudre dans du jus de citrouille bio et on y a
trempé nos robes à capuche…
-Des authentiques robes
de Magic Sup, précisais-je en montrant l’étiquette du fabriquant dans le
revers de ma capuche. On les a achetés (très cher !) dans la friperie du
village.
Sans prêter grande attention à
mes paroles, la plus grande des filles insista :
-Encore des broutilles ! Si
vous ne dites pas toute la vérité, on vous plante là et l’on va finir nos
sandwiches ailleurs.
C’est alors que j’ai eu le plus
grand choc de ma vie.
-C’est bon ! fit Melousine.
De toute façon cela finirait par se savoir…
Et elle montra la paume de sa
main gauche aux deux apprenties sorcières. J’ai vu leurs yeux s’agrandir et je
me suis penché pour voir moi aussi ce qui leur causait un tel effet.
Mon étonnement fut indescriptible
lorsque je vis dans cette paume fine et blanche que je connaissais si bien, une
sorte de tatouage rouge sang… qui bougeait comme s’il s’agissait d’une petite
flamme !
Je faillis m’évanouir lorsque
j’ai ressenti la chaleur que dégageait le mystérieux tatouage, mais les deux
autres filles se contentèrent de lever à leur tour leurs paumes gauches… où
brûlaient des tatouages de feux tout à fait semblables.
« Je te salue, oh sombre
sœur ! » dirent toutes les trois d’une seule voix.
Une sorcière ! Ma cousine
Melousine de Moncoeur était une sorcière !!!
-Je suis princesse et sorcière,
m’expliqua-t-elle d’une voix étrange : suave, pénétrante et rassurante…
qui eut l’effet de me faire accepter l’extraordinaire révélation comme un truc
complètement banale.
-Je comprends maintenant pourquoi
tu sais tellement de choses sur les sorcières et sur Magic Sup, dis-je avec un calme
qui, justement, ne me rassurait pas vraiment. Et je crois désormais comprendre
aussi pourquoi ma mère la reine n’a jamais trop aimé que tu sois mon amie.
-On parlera de ça plus tard si ça
ne t’embête pas, fit-elle assez sèchement. Nous sommes venus ici pour une autre
affaire.
Dans les yeux de ma cousine j’ai
remarqué une expression que je ne lui connaissais pas du tout. Mais je me suis
dit que, de toute façn, je venais de découvrir qu’il y avait trop de choses que
j’ignorais d’elle.
-D’accord, soufflais-je.
Ma cousine Melousine raconta à
Dring-dring et Namiline comment j’étais tombé follement amoureux de la
princesse capricieuse.
-Et c’est parce qu’elle fait
beaucoup de caprices que vous avez besoin de notre aide ?demanda
Dring-dring un peu surprise.
-Pas du tout ! On ne sait
pas si elle fait de caprices ou pas, avoua Melousine. On l’a connu aujourd’hui
même.
-On l’appelle la princesse
capricieuse parce qu’elle est la fille du roi de Capri. Ils sont tous capricieux dans cette île de la Méditerranée,
expliquais-je. C’est une île aussi célèbre que mystérieuse car aucun visiteur ne
peut aller au-delà du port. C’est une île-montagne et la ville se passe en
haut, hors de la vue des marins qui arrivent à s’en approcher et même de ceux,
rares comme je viens de dire, qui y parviennent à débarquer.
-Je vois mieux, dit Namiline.
Vous voulez savoir si c’est une bonne idée de se fiancer avec la fille du roi
de tant de mystères ?
-Moi si, expliqua Melousine. Mais
cet idiot de prince Victor, mon cousin, ne veux rien d’autre que s’assurer
l’amour Belleaumonde de Plusquepersonne.
Les deux apprentis-sorcières me
regardèrent avec le même intérêt qu’un botaniste devant un végétal rare et je
senti les couleurs me monter au visage. Je suppose que je ressemblais à une
sorte de piment rouge avec des cheveux noirs et des yeux verts !
Heureusement elles ne firent
aucun commentaire désobligeant.
-Est-ce que vous avez quelque
chose appartenant à la princesse capricieuse ? demanda Namiline très
pragmatique.
Sous le regard mi-amusé, mi-agacé
de ma cousine Melousine, je sortis une feuille de brouillon au milieu de
laquelle j’avais collé, avec un petit bout de scotch transparent l’un de longs
et soyeux cheveux blonds de ma princesse adorée.
-C’est parfait ça, dit Namiline.
-Vous n’avez pas d’image
d’elle ? demanda Dring-dring.
Encore sous le regard, cette fois
franchement excédé, de Melousine, je sortis mon portable et je fis défiler les
dix ou douze photos que j’avais volées à ma belle pendant la récré.
-De mieux en mieux,
marmonna ma cousine.
-J-j-j, balbutie-je. J’avais
prévu qu’il faudrait des images…
-Avec tout ça, dit Namiline. Je
pense que Dring-dring pourra toucher le futur de la princesse Belleaumonde de Plusquepersonne
et du prince Victor de Haut-le-Coeur.
-Tu crois ? hésita la petite
apprentie sorcière. Je n’ai aucune idée de comment m’y prendre.
Namiline ne répondit qu’avec un
geste, nous indiquant de la suivre. On se dirigea vers le faux cimetière qui
servait de jardin à la bibliothèque. Après avoir vérifié que personne ne nous regardait,
elle ouvrit avec une petite clef cachée dans sa ceinture, la porte rouillée
d’une tombe en forme de minuscule chapelle. La porte était rouillée comme je
viens de dire, mais aucun grincement ne s’échappa de ses gonds.
Nous descendîmes quelques marches
et, à la lumière rougeâtre qui laissaient passer les vitraux nous découvrîmes
une sorte d’autel au milieux de vieux sarcophages. J’ai eu un frisson de
panique en voyant Namiline sortir une tête de mort de l’un des sarcophages.
-Calme-toi !, me
lança-t-elle. Cette tête est en ivoire et n’a jamais appartenu à un vivant.
Elle servit autrefois au célèbre cavalier sans tête qui la portait sous le
chapeau chaque fois qu’il avait besoin de se faire discret. Elle est néanmoins,
dix fois plus puissamment magique que la plupart de vraies têtes de mort.
L’apprentie sorcière introduit
dans le crâne le papier avec le cheveu de Belleaumonde, puis arracha un de mes
propres cheveux pour l’y placer également. Ensuite elle se débrouilla pour
attraper avec la pointe de sa baguette magique la plus belle des photos de ma
très chère princesse et la fit adroitement passer de l’écran de mon téléphone à
l’œil gauche de la tête de mort.
-Belleaumonde ne court aucun
risque, n’est-ce pas? demandais-je inquiet.
Namiline fit non de la tête et
pris « une photo » de moi toujours avec sa baguette magique. Même Melousine
et Dring-dring furent très étonnés en voyant comment mon image se détachait de
moi et allait, tout en rapetissant, se jeter à travers l’œil droit de la tête
de mort.
-C’est à toi maintenant, dit Namiline
à Dring-dring.
La petite apprentie sorcière se
surpris elle-même. Tout d’un coup, elle savait ce qu’elle devait faire. Elle
s’approcha de l’autel, mis ses deux mains autour du crâne et ferma les yeux. Un
sorte de lueur jailli de la tête de mort et glissa tout le long des bras de la
jeune fille jusqu’atteindre sa tête. Elle eut alors une secousse et dit d’une
voix qui ne lui ressemblait pas :
« Tu ne conquerras l’amour
de Belleaumonde de Plusquepersonne que si tu engages le combat avec le
Dragonsaure de l’île de Capri ! »
Ensuite, elle introduit la main
dans le crâne et pris mon cheveu et celui de Belleaumonde. On les distingait
clairement car le cheveu de ma chère princesse était devenu une sorte de long
ruban d’or et le mien une sorte de ruban noir
comme le fer. Dring-dring entremêla les deux rubans puis elle les lissa
d’un geste ferme. Apparu alors dans ses mains la plus belle épée que l’on ait
jamais vu.
Dring-dring déposa cette épée
entre mes mains et, tout d’un coup, paru se réveiller. Il n’y avait plus de
lueur autour d’elle ni autour de la tête de mort.
-C’est tout ce que l’on peut pour
toi ! dit gravement Namiline. Bonne chance, prince Victor de Haut-le-Coeur.
Chapitre V
LE DUEL AVEC LE
DRAGONSAURE
Prêtant oreille sourde aux
conseils de ma cousine Melousine, j’ai dit le soir même à Belleaumonde de
Plusquepersone :
-Je t’aime. Mon cœur est à toi et
je suis prêt à mourir pour ton amour !
A peine avait je finis ces mots
enflammés que je me suis vu aspiré dans les airs et, après avoir traversé un
sorte de tourbillon bleu-violet, je me suis retrouvé à l’intérieur d’une vaste
grotte de cristal.
La dernière chose que j’avais vu
c’était les yeux magnifiques de Belleaumonde qui me regardaient avec un mélange
d’admiration, d’angoisse et… de tendresse !
Le souvenir de ce regard me
rendit mon courage malgré le fait que j’avais reconnu tout de suite la grotte
du Drangonsaure, telle qui nous l’avait si bien décrit le professeur de
Monstreologie. Pour ne pas me laisser le moindre petit doute, je perçu au loin,
au fond de la grotte, un rugissement aussi fort que régulier.
-Dieux merci, dis-je. Le monstre
dort.
Alors, je eu le courage de
regarder attentivement autour de moi.
La grotte était vaste ; aussi
large, haute et profonde qu’une gare parisienne. Elle n’était pas vide. Partout
il y avait des piles des choses les plus variés. On dirait que la moitié des
naufrages de la Méditerranée, et ceci depuis plusieurs siècles, venaient
échouer dans la grotte du Dragonsaure. Il y avait des trésors
innombrables, mais il ne s’agissait pas seulement d’or, argent et pierres
précieuses. Il y avait aussi des restes d’animaux fantastiques o disparus. Je
pu reconnaître un tigre aux dents de sabre, un mammouth et un mastodonte ;
une chimère, un centaure et un kraken… et même un géant qui ne possédait qu’un
seul œil au milieu du front et plusieurs sirènes.
Je me suis mal exprimé lorsque
j’ai parlé de « restes » car s’il y avait des corps réduit à l’état
d’ossements, d’autres conservaient peau, cheveux et une complète apparence
d’êtres vivants. C’était le cas des êtres fantastiques qui ne semblaient que
pur et simplement endormis sous un linceul presque transparent.
C’est en m’approchant des sirènes
que j’ai compris que ce « linceul » n’était autre chose que la
« toile d’araignée » que l’on prétendait être crachée par le
Dragonsaure. Au toucher c’était quelque chose d’infiniment doux, mais
résistent… et extrêmement froid.
-Le Dragonsaure crache de la
glace liquide sur ses victimes. Une glace qui ne fonde jamais et qui maintient
tout être vivant dans une sorte d’hibernation éternelle.
A l’écoute de cette voix, je me
suis retourné si brusquement que j’ai failli me rompre le cou.
-Dring-dring !
m’exclamais-je. Que fais-tu ici ?
-Je ne suis pas dans la grotte,
répondit-elle doucement. Je suis dans mon sommeil. Chez-nous en ce moment il
est presque minuit. C’est d’ailleurs l’heure du réveil du dragon. Je ne suis
venu que pour te porter ceci. Tu auras bientôt besoin.
Et une nouvelle fois je vis
apparaître dans les mains de l’apprentie sorcière l’épée d’or et de fer.
J’ai pris l’épée et à l’instant,
le lointain ronflement du Dragonsaure se transforma en rugissement furieux.
-Bonne chance, prince Victor, dit
la voix de Dring-dring s’affaiblissant à la même vitesse que son image devenait
petite et transparente, de sorte que lorsqu’elle prononça son dernier mot elle
était devenue pratiquement invisible. Courage !
C’est alors que je vis réellement
le Dragonsaure.
Il était immense et effroyable.
Sa peau d’un violet sombre et ses ailes d’un bleu nuit lançaient des éclairs
comme si la bête était faite de lumière et d’électricité. Sur son long cou et sa
longue queue il y avait une crête verte, formée par des sortes de piquants
acérés. Je savais que ces piquants étaient venimeux et que toute sa peaux, même
là où l’on ne le remarquait pas, était également couverte d’écailles aussi
fines y pointues que des morceaux de verre par lesquelles coulait un poison
aussi dangereux que sur les grands piquants de la queue. Néanmoins l’arme la
plus redoutable du Dragonsaure était le feu violet qu’il crachait. Une étrange
forme de feu glacial qui congelait tout ce qu’il touchait, le couvrant d’une
pellicule de glace éternelle. C’est comme cela qu’il avait constitué le trésor
de sa grotte : il ne mangeait ni hommes ni bêtes ni êtres magiques :
il leur prenait leur souffle de vie en les congelant et cela lui permettait de
vivre, lui, éternellement.
Le monstre s’approcha en faisant
des grands bonds qu’il renforçait par des battements d’ailes. En fait, il était
ridicule et maladroit et seulement la peur le rendait effroyable. Or, à mon immense
étonnement, je n’avais pas peur.
-Viens ici, maudite bête ! lui
lançais-je. Mon épée a très envie de te couper le cou !
Et c’était vrai ! Je sentais
parfaitement que l’épée tremblait d’excitation dans ma main. Elle tirait même
de moi, me faisant avancer vers le monstre.
-Ne te fie pas, quand-même. Notre
épée est puissante, mais le feu du Dragonsaure ne l’est pas moins !
Je crus rêver lorsque je vis, à
côté de moi, Belleaumonde de Plusquepersonne. Je me suis immédiatement dit
qu’il ne s’agissait, comme un instant plus tôt avec Dring-dring, que de son
image venue à moi pendant le sommeil.
Mais en ce moment, le Dragonsaure
ouvrit la gueule et cracha sur moi la terrible flamme violette et glaciale. Je
n’ai eu la vie sauve que parce que Belleaumonde m’entoura de ses bras et
déploya sa magnifique chevelure blonde, qui nous enveloppa tous les deux comme
une cape fait d’or pur.
La flamme violette ricochât sur la
chevelure d’or et s’en fut frapper le Dragonsaure dans l’une de ses pattes
puissantes. Celle-ci gela à l’instant et la terrible bête chancela puis tomba
par terre avec un terrible fracas.
-C’est le moment ! cria
Belleaumonde d’une voie faible, et ses bras me lachèrent. Coupe-lui la
tête !
Je ne me le fis pas répéter. Je
sautais sur la queue du monstre qui, comme animée d’une vie propre s’agitait,
cherchant à m’atteindre avec ses fameux piquants. Une ou deux fois le monstre
fut sur le point de me blesser, mais mon épée sut parer à ses assauts et même à
couper plusieurs des mortifères piquants. Le monstre m’attaqua aussi avec ses puissantes
ailes, mais mon épée avait la vertu de devenir aussi longue que nécessaire et
chaque fois, j’ai réussi à m’en sortir indemne.
Le Dragonsaure cracha son feu
encore une ou deux fois, mais ses blessures et sa position couché ne le
permirent pas de faire mouche et j’ai pu, serrant mon épée avec les deux mains
lui trancher la gorge d’un seul coup.
Il mourut à l’instant, se
dégonflant comme s’il n’était fait que d’air. Je me suis alors retourné pour
célébrer la victoire avec ma chère princesse.
Elle n’avait pas bougé de là où
elle m’avait enlacé pour me protéger avec sa chevelure d’or. Elle était recroquevillée
sur elle-même.
-Es-tu bléssé ? m’alarmais-je.
Elle ne dit rien, mais son
sourire radieux apaisa mon angoisse.
-Maintenant ça va, fit-elle d’une
voix haletante, comme si elle se reprenait à peine d’une longue course.
Maintenant que le Dragonsaure est mort, rien ne peut nous arriver.
Je la pris dans mes bras et je
l’embrassé.
Et ce fut comme quelques heures
avant, lorsque je lui avais déclaré mon amour : nous nous élevâmes dans
les airs, l’un dans les bras de l’autre et nous traversâmes un tourbillon qui
cette fois-ci n’était pas froid ni sombre, mais caressant et lumineux.
Lorsque nous touchâmes terre,
nous nous trouvions dans une vaste terrasse du château royal de l’Île de Capri
et le roi et la reine se précipitaient vers nous leurs dignes visages pleins de
joie.
-Vous l’avez fait ! Vous
êtes de fous, mais vous avez bien fait, disait la reine.
-Il faut être fous amoureux pour
accomplir une tâche pareille, disait le roi. Tuer un dragon rien qu’avec des
cheveux !
-Ce n’était pas n’importe quel
dragon, précisa ma princesse chérie. C’était le Dragonsaure : le plus
terrible de tous, mais aussi le plus faible puisqu’il n’avait que la vie et la
force empruntée à d’autres.
Bon, je ne vais pas prolonger
inutilement cette histoire. Un jour peut-être je vous raconterai les détails…
Je vais finir comme il se
doit : Nous nous mariâmes (quelques années plus tard), nous eûmes beaucoup
d’enfants (trois seulement, mais pour cette époque ce n’est pas mal) et nous
fûmes (nous le sommes encore) très heureux.
Epilogue
Namicrochetdroit Delacastemaline
et Dringmachinchose Queçasautelorsqueçafaitdring sont devenus nos fidèles amies
et elles ont assisté toutes les deux à notre mariage. Lorsque les premières
aptitudes magiques se sont manifestées sur notre plus jeune enfant, nous avons
prié Dring-dring de s’installer sur l’Île de Capri et d’en assurer
l’instruction.
Cette fillette, qui
vient de fêter son dixième anniversaire, part en septembre prochain pour
parfaire sa formation à Magic Sup, tout en suivant des cours à l’école de Têtes
Couronnées... selon un programme spécialement conçu pour elle par ma cousine
Melousine de Moncoeur, chargée du Cursus interculturelle que relie désormais
les deux écoles.
Ah oui, j’oubliais de dire que
notre plus jeune fille s’appelle Dringnami.
Pas besoin de vous expliquer
pourquoi.
FIN
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