mardi 24 mai 2011

HOLLYWOOD S'INSPIRE DE MOI...?!

Le filme d'animation "Rio" raconte une histoire avec plein de coïncidences avec mon roman "Exploradores en el lago" (Alfaguara, Madrid, 2009). J'ai écrit un roman d'aventure écologique avec un perroquet domestique au centre d'un trafic d'oiseaux exotiques et le parcours du propriétaire du perroquet jusqu'à comprendre la responsabilité... qu'il a assumé en élevant l'oiseau chez lui. Mon histoire est plutôt réaliste et se passe dans une réserve écologique cubaine (va pour les différences). En outre, les situations finales du filme et du roman sont très semblables… Ceci ne souligne que les petits amateurs du filme pourront poursuivre l’expérience dans mon roman. Bien entendu personne ne parle de plagiat et même d’inspiration d’un ouvrage par l’autre.

mercredi 9 mars 2011

école française de La Havane: première visite d'un auteur

Le 17 février dernier j'ai visité l'école française de La Havane. Les jeux de la cour, le mobilier, les dessins aux murs, l'aspect et la dotation de la bibliothèque... tout était identique à nombre d'écoles de l'Hexagone. Mais les grands arbres qui surplombaient les toitures, le soleil ardant, les odeurs... tout nous remettait en contexte: on était bien à Cuba. La documentaliste, l'équipe pédagogique et le directeur m'ont reçu avec enthousiasme et, à ma grande surprise, m'ont avoué que j'étais le premier écrivain qui venait partager son travail avec les élèves de plusieurs nationalités (dont des nombreux Franco-cubains) qui étudient dans la langue de Molière au pays de José Marti. Désormais je me sens autant écrivain français que cubain et c'est avec cette double casquette (béret français/chapeau en feuille de palmier) que j'ai représentait -dignement je l'espère- la profession. En fait, j'ai publié plus de livres en France que dans cette 'île que j'ai quitté à 34 ans pour rejoindre -bien avant le Territoire- la Culture française. Aujourd’hui je pense et rêve en français, et si j'écris toujours mes romans en espagnol, c'est en français que sont venus à mon esprit et à mon clavier mes contes les plus récents. ...De ces choses-là, et de bien d'autres, toujours en rapport avec mon travail d'auteur et illustrateur et avec ma vie un peu nomade, j'ai parlé le 17 février avec les élèves de l'école française de La Havane. Je n'ai pu les quitter qu'après avoir promis de revenir avec mes nouveaux livres (deux qui débarquent ces jours-ci dans les librairies françaises et deux qui sont attendus en Espagne et en Argentine), et sous garantie de leur consacrer plus de temps la prochaine fois (un atelier d'écriture est dans nos cartons). Ensuite, je me suis rendu à la ville de Santa Clara pour présenter dans la Foire du Livre mon roman La légende de Taïta Osongo... que mes jeunes lecteurs français connaissent depuis 2004, grâce à la version d'Ibis Rouge. Ce retard dans la parution de la version cubaine de ce livre est compensé par le fait qu'il arrive à point pour célébrer, sous le parrainage des Nations Unies, l'Année international des personnes d'origine africaine. C'est dans ce contexte que mon éditeur guyanais Ibis Rouge présente Taïta Osongo. Le chemin de la forêt
, où je raconte aux enfants, cette fois-ci avec mes mots et mes propres dessins, comment l'esclave héros de mon roman gagne sa liberté... tout en aidant sur son chemin ceux qui ont besoin de lui. http://www.ambafrance-cu.org/france_cuba/?Presentation-de-l-Ecole-Francaise

mercredi 2 mars 2011

Petit Chat Noir a peur du soir est mon septième livre français. Joliment édité dans la collection « Les belles histoires des tout-petits » (Bayard. Paris, 2011), l’objet est particulièrement adapté aux mains des enfants de 2 à 4 ans. Les superbes illustrations de Beppe Giacobbe évoquent l’atmosphère nocturne du récit et l’intonation poétique d’une histoire assez simple : la découverte de la nuit et de soi par un petit chat qui craint se perdre dans l’obscurité à cause de la parfaite noirceur de sa toison.
A peine paru, cet ouvrage a élé célebré dans le blog Les lectures de Bauchette:
Quelle histoire, parfaitement menée et joliment illustrée! La couverture ne me disait rien qui vaille au départ mais ce texte, franchement, est une vraie réussite. Il est vrai que j'ai toujours été fascinée par cette faculté des chats à pouvoir voir et être vu dans le noir, comme si de petits phares se dissimulaient derrière leurs yeux... Mais ce texte recouvre encore plein d'autres choses : les thèmes de la peur et de la nuit, la tendresse d'une rencontre entre deux animaux, la prise de conscience de ses capacités propres et le plaisir ensuite d'en jouir... Une structure narrative simple pour s'adapter à l'écoute des plus petits mais une histoire d'une très grande richesse avec un vrai talent d'écriture.
Publiée d’abord dans la revue Tralalire (Bayard presse, mai 2008) cette histoire a été cautionné par les enfants et a même fait l’objet d’une traduction en anglais. Elle fait partie d’une série d’histoires autour du même personnage qui commencera a publier l’éditeur espagnol Kalandraka en mars 2012.

vendredi 26 novembre 2010

atelier d'écriture: l'opinion d'un enseignant et des élèves

Le 18 décembre 2008, la classe de 6e 2 a accueilli Joel Franz Rosell, écrivain partenaire de Voyages en ville. L'auteur n'était pas exactement un inconnu, puisque les élèves avaient lu son roman Cuba, destination trésor. Ce roman d'aventure, qui raconte la passionnante découverte d'un double trésor à Cuba par une fillette espagnole, a plu à l'ensemble de la classe. Certains élèves ont d'ailleurs obtenu une excellente note au contrôle de lecture rendu le matin même. Cette fois pourtant, c'est physiquement que M. Rosell s'est présenté devant eux, rejoint un peu plus tard par Mme Caveng, notre ex-documentaliste, qui a exercé toute sa carrière entourée par la littérature pour la jeunesse. Nous n'avions pas prévu une intervention extrêmement structurée ni précise, afin de permettre des échanges aussi spontanés que possible. Seuls trois axes étaient au programme : le métier d'écrivain et l'écriture romanesque, le roman Cuba, destination trésor, enfin des conseils et échanges autour des nouvelles que les élèves vont écrire (dans le cadre du projet Voyages en ville). M. Rosell nous a d'abord évoqué avec précision et enthousiasme ses premières activités d'écriture vers l'âge de 11 ans, puis ses débuts d'écrivain et la réalité de ce métier. Son jeune public a pu se rendre compte que le métier d'écrivain ne se limite pas à l'écriture, mais comporte des aspects pratiques parfois compliqués, tels que la prise en compte des impératifs de l'édition... La classe a constaté qu'entre la plume de l'écrivain et les rayons des librairies, une œuvre traverse un parcours bien compliqué! Les élèves ont pu avoir sous les yeux ses premiers essais romanesques, rédigés et illustrés sur un cahier d'écolier, en 1967. La lecture du texte en espagnol n'était guère accessible aux élèves, mais ils ont apprécié l'expressivité des illustrations colorées (de la main même de l’auteur alors un enfant). Notre auteur a ensuite apporté des précisions sur les techniques d'écriture romanesque. Son public a pu comprendre que l'écriture d'un roman est un exercice de longue haleine, qui exige beaucoup de temps, de réflexion et de précision. Il a en effet expliqué que les faits essentiels d'un roman doivent y trouver leur justification, amorcée parfois bien avant leur conséquence sur l'intrigue. Il a expliqué que même lorsque les grandes lignes sont parfaitement établies et rédigées, il est fréquent de devoir modifier tel ou tel événement de façon à ce qu'il s'intègre plus naturellement dans l'intrigue. D'ailleurs, M. Rosell a exposé à son jeune public que la construction même de l'intrigue doit être minutieuse, comporter des rebondissements et des obstacles auxquels le lecteur puisse adhérer. Quant aux personnages, il leur a expliqué qu'ils doivent offrir un certain réalisme, et jouer un rôle qui s'articule précisément autour de peripeties de l'histoire, étant notamment aides ou opposants. L'intérêt des explications de notre auteur est d'avoir pu les illustrés par son expérience confirmée et des exemples précis empruntés à son roman, que les élèves connaissent bien. Ainsi, les retouches et corrections apparaissent parfois tardivement dans la rédaction du roman, et permettent d'améliorer le naturel de l'intrigue, nous a-t-il expliqué. M. Rosell a précisé aux élèves que les sources d'inspiration sont nombreuses et relativement variées. La découverte du trésor du roman rappelle une découverte qu'il a faite lui-même dans son enfance, tandis que des aspects du collège où se déroule une partie de l'intrigue reflètent celui qu'il a lui-même fréquenté adolescent. Notre écrivain a aussi souligné l'importance de la vraisemblance historique qui réclame une connaissance relativement précise des faits, exigeant que l'écrivain se documente. Il nous a bien expliqué comment l'écriture d'un roman est un processus riche et généralement imprévisible, qui peut progresser de manière variable au gré des recherches et trouvailles, et prendre parfois beaucoup de temps, quelque soit la longueur du texte. Dans un troisième temps, M. Rosell a exposé avec beaucoup de clarté à la classe les éléments fondamentaux de la technique narrative. (en préparation du travail d'écriture dans le cadre du projet Voyages en ville). Les élèves ont pu se rendre compte qu'un cadre global établi à l'avance est indispensable à la réussite de l'écriture et romanesque. On doit préalablement définir l'identité des personnages clés, le lieu, et le temps. À ce propos, il distingue l'époque à laquelle se déroulent les faits de la durée de l'intrigue. On réfléchit ensuite à un problème (ou complot) que vont rencontrer les personnages principaux. Cela rappellera bien sûr aux élèves l'élément perturbateur des contes, qui leur est familier. Concernant les techniques narratives, M. Rosell a insisté sur les différents points de vue, c'est-à-dire qui est le narrateur (personnage ou extérieur), et a évoqué différents styles d'écriture : mystérieuse, humoristique, exprimant un fort sentiment. Pour illustrer son propos, il s'est livré à une amusante improvisation très concrète, témoignant d'un savoir-faire confirmé. Dans les grandes lignes, l'écriture d'une nouvelle ou d'un roman doit comporter trois étapes : la présentation, le noyau, la fin, c'est-à-dire la chute, ou encore solution. Notre écrivain a rappelé qu'il est bon de varier les types d'écriture, et d'alterner narration, description du dialogue. Ainsi s'est terminée la séance, et j'ai bien l'impression, à voir l'attention des élèves et leurs réactions, qu'ils n'ont pas vu le temps passer. Encore une fois, nous pensons que les photos prises lors de cette intervention le montreront tout aussi bien que les mots ! Vincent Goguel professeur de français Collège Raoul Dufy. Le Havre

jeudi 8 juillet 2010

AUTRES LIVRES EN FRANCAIS du seul auteur Cubain pour la jeunesse qui publie en France

Qu'est-ce que c'est (série Les aventures de Tipouldo n°1). Orphie. Saint-Denis, 2012
Ouvrage collectif avec trois autres membres du collectif Ti-Woch intégré par des gens de la Caraïbe
 
 
 
Petit Chat Noir a peur du soir. Bayard 2011



l'Oiseau-lire. Belin, 2009


La chanson du château de sable. Ibis Rouge, 2007

La légende de Taïta Osongo. Ibis Rouge, 2004
 
 
 
 Cuba destination trésor. Hachette 2000 et 2003. Epuisé et sorti de catalogue malgré le Prix de la Ville de Cherbourg et son élection comme finaliste du Prix des jeunes lecteurs (2001)


Malicia Horribla Pouah, la pire des sorcières.
                                                                                        Hachette, 2001. Epuisé et sorti de catalogue.
 

Les aventuriers du cerf-volant. Hachette, 1998.
Epuisé et sorti de catalogue (malgré le fait qu'il a été indiqué comme l'un des meilleurs livres pour la jeunesse publiés dans le monde en 1996 (Sélection The White Ravens de la Bibliothèque Internationale pour la Jeunesse. Munich)
 
 
J’habite en France depuis 1994 (quoique j’ai passé plus de 4 ans an Argentine, entre 2000 et 2004), mais reste un auteur de langue espagnole. Ceci ne m’empêche pas d’écrire parfois en français (Petit Chat Noir a peur du soir n’as même pas une version en espagnol à l’heure actuelle), même si cela n’assure pas sa publication en France (La bruja Pelandruja está malucha je l’ai également créé en français, dans le cadre d’un programme du Centre Paris Lecture, et pourtant c’est sa version espagnole, écrite deux ans après qui est publié à ce jour).
Caprices du destin, deux de mes romans ont été traduits et publiés en français avant de connaître une première édition en espagnol: Cuba, destination trésor (en espagnol deux années plus tard) et Malicia Horribla Pouahn, la pire des sorcières, dont la version espagnole La tremenda bruja de La Habana Vieja est parue quelques semaines plus tard.
Des fois je me sens capable de me traduire moi-même et de fois pas. Des fois je sens venir le texte en une langue ou autre, même si en français je dois recourir à une correction sévère.  Langue et écriture forment chez moi un ménage conflictuel, sans doute...   
– Petit Chat Noir a peur du soir. Paris. Bayard, 2011. Illustrations Beppe Giacobbe. Album (2-4 ans)
L’Oiseau-lire. Paris. Belin, 2009. Illustrations de Vanessa Hié. Version originale: El pájaro libro. Espagne 2002. Conte (a partir de 6 ans)
La chanson du château de sable. Cayenne. Ibis Rouge, 2007. Illustrations de l’auteur. Edité aussi en espagnol: La canción del castillo de arena. Espagne 2007). Conte (a partir de 5 ans)
La légende de taïta Osongo. Cayenne. Ibis Rouge, 2004. Prix Heredia. Santiago de Cuba, 1984. Edité aussi en espagnol : La leyenda de taita Osongo(Mexique, 2006) et en portugais (Brésil, 2007). Choisi entre les meilleurs 100 livres de l’année par Banco del Libro (Centre de documentation latino-américain de littérature pour la jeunesse). Roman pour adolescents.
Cuba, destination trésor. Paris. Hachette, 2000. Prix de la Ville de Cherbourg et finaliste du Prix des Jeunes Lecteurs. Publié en espagnol: Mi tesoro te espera en Cuba (Argentine, 2002 et Espagne, 2008). Roman pour enfants.
Malicia Horribla Pouah, la pire des sorcières. Paris. Hachette, 2001. Publié en espagnol: La tremenda bruja de La Habana Vieja (Espagne, 2001). Roman pour enfants.
Les aventuriers du cerf-volant. Paris. Hachette, 1998. Prix The White Ravens (meilleurs livres pour la jeunesse publiés dans le monde) de la Bibliothèque Internationale de la Jeunesse, Munich. Editions en espagnol: Aventuras de Rosa de los Vientos y Juan Perico de los Palotes (Espagne et Cuba en 1996, Argentine, 2004). Roman pour enfants.

En espagnol, ma langue maternelle, j'ai une vingtaine d'ouvrages (Espagne, Cuba, Argentine, Mexique, bientôt Colombie) et j'ai plusieurs livres traduits en 7 langues.


Presse, ouvrages collectifs:
 
 Ti-Woch magazine n°1. St-Ouen. Association Ti Woch, juin 2010.
Ti-Woch magazine n°2. St-Ouen. Association Ti Woch, juin 2011 
 Un amour d’enfance. Paris. Bayard Jeunesse, 2007. Coordonné par Marie-Aude Murail
Je me souviens. Mémoire, Mémoires. Salon du livre de Beaugency, 2006.



mercredi 2 juin 2010

CUBA DANS SA POESIE POUR LA JEUNESSE

La poésie cubaine pour la jeunesse est un excellent instrument pour la connaissance de Cuba. Le rôle éducateur attribué à ce genre, particulièrement développé après la révolution castriste (1959), explique une forte présence des thèmes considérés importants pour la formation des jeunes tels que la nature, les modes de vie et l'histoire.

L'essentiel de l'expérience " littéraire " de l'enfance cubaine jusqu'au début du XIXème siècle se réduit aux chants de Noël et aux diverses manifestations, en prose et en vers, de la tradition orale. Dès le début du XIXème, la réforme de l'éducation permettre la publication des premiers livres contenant des fables, des poèmes et de courts récits pour la jeunesse… à l'intention très didactique et moralisatrice.

C'est le remarquable écrivain et homme politique cubain José Marti (1853-1895) qui donne ses lettres de noblesse à la littérature cubaine pour la jeunesse avec La Edad de Oro, revue publiée à New York entre juillet et octobre 1889.

Le grand essor de la poésie pour la jeunesse aura lieu dès années 1960 grâce à la collaboration de talents de la taille de Nicolás Guillén, Mirta Aguirre, Dora Alonso, Osvaldo Navarro, Excilia Saldaña, Aramís Quintero, Alberto Serret, José Antonio Gutiérrez et bien d'autres.

Les paysages, le folklore, les animaux et les plantes, certaines traditions et bien sûr l'histoire du pays sera très présente dans cette poésie qui ne cache pas toujours une claire intention éducative, mais aussi la maîtrise des mots et du rythme.

Trouvez l'intégralité de cette sélection de poésie bilingue et illustrations des livres pour la jeunesse que j'ai préparé en 1999 pour Uniterre.com :

http://www.uniterre.com/r_destinations/cuba/culture/index_jrosel.htm

mardi 1 juin 2010

une interview ancienne mais guère dépassée


Entretien avec Joel Franz Rosell

Mis en ligne par Ricochet en novembre 2001



Ricochet : Joel Franz Rosell, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Joel Franz Rosell : Je suis né à Cuba en 1954, dans une petite ville de l’arrière-pays nommé Cruces, ce qui veut dire "Croisements" ou "Carrefours". Même si ce nom fait, à l’origine, allusion aux nombreux chemins de fer qui se croisent dans ce fief de l’industrie sucrière, il évoque avec pertinence le métissage sur lequel s’asseoit l’identité de Cuba. Parmi mes ancêtres, on trouve des blancs espagnols, des noirs africains, des aborigènes et même des chinois! Cependant le métissage est si profond dans mon pays qu’il est difficile de percevoir, en tout cas en littérature, les différentes composantes isolées. Ainsi, dans mon écriture on ne trouve généralement pas de marques explicites des cultures d’origine.

J’étais un écrivain assez connu quand j’ai quitté Cuba en 1989 pour rejoindre mon épouse française. Je l’ai ensuite accompagnée partout où sa profession l’a conduite: au Brésil, au Danemark, en France, et finalement en Argentine. Cela a enrichi mes textes avec d’autres expériences géographiques, culturelles et personnelles, rendant mon écriture, me semble-t-il, plus universelle.

Ricochet : Vous avez travaillé pendant plusieurs années comme animateur littéraire pour le Ministère cubain de la culture, qu'est-ce que vous a apporté cette expérience ?
Joel Franz Rosell : L’événement majeur de l’histoire récente de Cuba c’est la révolution castriste. Je n’avais pas plus de trois ans quand Fidel Castro s’empara du pouvoir et commença à redessiner la societé cubaine. J’ai été éduqué dans les principes "révolutionnaires" et je pense même que probablement je ne me serais pas consacré à la littérature pour la jeunesse sans un tel changement politique. Avant 1958, il n’y avait pas une seule maison d’édition digne de ce nom à Cuba et très peu de livres avaient été publiés pour les enfants.

Dès le début des années 1970, l’un des objectifs clés de la politique culturelle révolutionnaire a été de développer la pratique, par le peuple, de l’art et de la littérature. Les ateliers d’écriture se sont énormement développés dans les années 70 et 80, et avant d’en devenir animateur, j’en fis partie comme "apprenti" écrivain. L’expérience a été riche. J’y ai appris qu’un texte n’est jamais fini, qu’il faut toujours le tester avec les autres, que la critique est toujours un enseignement...

Pour orienter ce mouvement de masse on engageait des diplômés de lettres. J’ai travaillé comme animateur littéraire, successivement, à Santa Clara, à Santiago de Cuba (deux des plus grandes villes de Cuba) et à La Havane. J’ai été animateur de terrain et aussi responsable départemental pour les animations littéraires. Cela m’a permis de parcourir le pays et de rencontrer des gens de talent divers mais toujours passionnés de littérature: des écrivains professionnels, des jeunes talents qui par la suite ont connu la renommée et d’autres personnes qui sont restés amateurs. J’ai aussi travaillé avec des enfants qui écrivaient et qui lisaient très bien. Ils ont eu beaucoup d’influence dans l’aboutissement de celui qui devint mon premier livre publié.

Ricochet : Vous avez également enseigné la littérature latino-américaine à l'Université de Marne-la-Vallée, pensiez-vous à cette époque être publié en France ? Comment s'est fait ce cheminement ?
Joel Franz Rosell : Un écrivain veut toujours partager son travail avec les gens qui l’entourent (c’est vrai qu’on écrit d’abord pour soi-même, mais on publie toujours pour les autres). S’il y a une chose qui me plaît c’est de traîner dans les librairies... et trouver au hasard mes livres parmi les autres! On raconte certaines anecdotes à propos d’écrivains qui surveillent les premier pas de leurs livres dans les librairies. Et bien, je suis sûr qu’il n’y a pas d’écrivain qui n’ait pas fait cela!

Pendant mon séjour au Brésil, j’ ai publié mon troisième livre -traduit en portugais-, mais je ne suis pas parvenu à me faire traduire au Danemark. Les éditeurs contactés m’ont répondu que mon monde était trop différent de celui des enfants danois ou que ma façon de mélanger réalité et imaginaire n’était pas du goût des jeunes Danois. En conséquence, mon désir de voir mes livres traduits n’était que plus fort quand je suis arrivé en France en septembre 1995. J’ai commencé tout de suite à envoyer mes manuscrits à différents éditeurs, mais ce n’est qu’en novembre 1998 que Hachette a sorti mon premier titre en français.

A la même époque je finisais ma collaboration de trois ans avec l’Université de Marne-la-Vallée. Il n’y a donc eu aucun rapport entre mon activité d’écrivain pour la jeunesse et mon activité de professeur... et cela à mon regret.

Le statut de la littérature de jeunesse dans le monde universitaire, en France comme en Amérique Latine et en Espagne, est loin d’être satisfaisant. Sauf dans quelques cas exceptionnels, la littérature pour la jeunesse n’est pas enseignée dans les facultés de lettres, mais dans les instituts pédagogiques... et encore!

On accepte volontiers l’idée d’offrir aux instituteurs une formation élémentaire en littérature pour la jeunesse, mais il est moins évident d’introduire des textes pour la jeunesse quand il s’agit d’un programme censé présenter le meilleur de la littérature d’un pays, d’une région ou d’une époque. Je m’en suis toujours voulu de ne pas avoir su introduire, entre les grands auteurs que j’ai présentés à mes étudiants (Octavio Paz, Nicolás Guillén, Mario Vargas Llosa, Cabrera Infante...) quelques-uns des grands auteurs latino-américains pour la jeunesse: José Marti, Horacio Quiroga, Gabriela Mistral et tant d’autres.

Si je reprends un jour l’enseignement je ne manquerai pas de payer cette dette. Surtout parce que mon expérience universitaire, elle, a laissé des traces dans mon travail d’écrivain. Mes articles sur le livre pour la jeunesse (une petite partie a été réunie dans un volume publié récemment en Argentine) ont beaucoup gagné grâce à mon passage à l’Université, mais ce qui est plus important, la lecture "savante" d’auteurs comme Octavio Paz et Cabrera Infante a enrichi ma façon de traiter la langue dans mes écrits pour la jeunesse.

Ricochet : Comment en êtes-vous arrivé à l'écriture pour les jeunes ? Est-ce que cela à toujours été votre souhait ?
Joel Franz Rosell : Je ne peux pas comprendre qu’on écrive pour la jeunesse parce qu’ il le faut, parce que les jeunes en ont besoin, ou parce que "un jour, ma petite fille était malade et pour l’amuser...". Je sais que ce sont des raisons ou circonstances qui ont amené au livre pour la jeunesse beaucoup d’écrivains... y compris des écrivains à succès et des auteurs de prestige. Mais je n’imagine pas Proust avouant qu’il écrivit A la recherche du temps perdu parce qu’un jour sa pauvre mère malade s’ennuyait, ou Cervantes nous confiant qu’il a écrit son Quichotte parce qu’un éditeur sagace lui en a fait commande! Pour moi, on est amené à écrire de la littérature de jeunesse comme on est amené à écrire de la poésie ou du théâtre: parce c’est avec les moyens propres à ce "genre" qu’on est capable de raconter ce qu’on ne peut pas s’empêcher de partager avec les autres. Pour moi c’est quelque chose qu’on ne choisit pas, comme on ne choisit pas de respirer.

J’ai commencé à écrire à douze ans. J’écrivais pour moi-même d’abord, puis pour ma petite soeur et ses amis. J’ai commencé en écrivant pour la jeunesse de façon très naturelle et mon style s’est façoné à l’intérieur de ce "genre". Jusqu’à présent, hormis dans le domaine de la critique et l’essai, je n’ai pas ressenti le besoin d’écrire pour les adultes... En fait, on peut parler de tout aux enfants. Et les possibilités stylistiques qu’offre la littérature pour la jeunesse sont, pour moi, beaucoup plus intéressantes. Au début je n’écrivais que des romans policiers ou d’aventure, de style réaliste, dans une prose directe. Mais progressivement je me suis intéressé à l’imaginaire, à l’univers du conte. J’ ai enrichi mon écriture avec des ressources poétiques et des jeux de mots, avec la parodie, les meta-langages, l’intertextualité et autres techniques contemporaines.


Ricochet : Comment naissent vos histoires ?
Joel Franz Rosell : Tout écrivain répondra que chaque histoire naît d’une façon différente. Dans mon enfance, le titre ou le lieu de l’action me suffisaient pour développer une histoire. Mon premier roman publié naquit d’un fait banal, qu’on pourrait même qualifier de préjugé esthétique: le dégoût qui me causait le port, par certains individus, de dents d’animaux utilisées comme pendentifs. J’ai imaginé un groupe de voyous qui utilisaient ces dents comme signe d’appartenance à une bande et j’ai fini par concevoir un complot international avec des agents de la C.I.A., etc. Ce roman s’appela Le secret du croc suspendu (El secreto del colmillo colgante) et il eut un énorme succès à Cuba: 50 000 exemplaires épuisés en une année.

Pour sa part, Les aventuriers du cerf-volant, mon premier livre traduit en France, n’était à l’origine qu’un conte paru dans un autre livre. La phrase finale promettait à mes personnages d’autres aventures, mais ce n’était qu’un jeu de mots, une jolie formule pour la chute de l’histoire. Pourtant je suis tombé dans mon piège et quelques mois plus tard mes personnages restaient si vivants dans mon imagination que j’ai dû écrire la suite de leurs aventures: un roman qui fut finalement publié à Cuba, en Espagne et en France, et qui fut désigné par la Bibliothèque Internationale de la Jeunesse, de Munich, comme un des meilleurs livres publiés dans le monde en 1996.

Je répète, une histoire n’emprunte jamais le chemin suivi par une autre. Souvent, des expériences réelles viennent se greffer sur des personnages et des situations complètement imaginaires, ou inversement. C’est le cas de Malicia Horribla Pouah, la pire des sorcières (mon dernier livre publié, en France, toujours au Livre de Poche Jeunesse de Hachette, puis en Espagne). Dans ce roman je mélange des images de La Havane d’aujourd’hui et des motivations propres au critique littéraire que je suis également. Je m’étais lassé de lire toutes ces histoires de sorcières gentillettes qui inondent le marché et j’ai décidé d’écrire l’histoire d’une sorcière vraiment méchante, tricheuse et dégoûtante, même si à la fin (m’aura-t-elle ensorcelé?) elle ose rêver à une autre vie.

Ricochet : Vous avez publié en 2000, Cuba, destination trésor, une enquête, presque policière, dans votre pays natal. C'est en somme une enquête journalistique dans la Cuba d'aujourd'hui ?
Joel Franz Rosell : Même si j’ai excercé le journalisme pendant des années (à Cuba, puis à Radio France Internationale, notamment), en littérature j’ai du mal à me borner à la représentation fidèle de la réalité. Mon roman s’ alimente, certes, de l’ image que m’ont laissée mes quatre retours à la Cuba contradictoire des années 90, mais il se nourrit également de quelques souvenirs de jeunesse et des ressources d’un certain type de roman d’aventure.

Cuba, destination trésor a été très long à aboutir et il a eu une destinée un peu singulière: ne paraître en espagnol que deux ans après sa publication en français. La première version du manuscrit je l’ai terminé en 1991, au Brésil. Deux ans plus tôt, j’avais quitté Cuba et, pour des raisons jamais éclaircies, je n’arrivais pas à obtenir la permission pour revenir à mon pays (il m’en fallait une à cette époque). Cuba me manquait cruellement et je supose que j’ai eu besoin de faire le voyage en rêve.

Cette première version n’eut aucun succès auprès des éditeurs brésiliens et espagnols auquels je l’ai adressée. Quelques années plus tard l’île était devenue très à la mode et l’image stéréotypée que je découvrais dans des nombreux récits me laissait assez peu satisfait. Alors, je repris mon idée de raconter aux enfants d’autres pays la découverte de Cuba, à travers les yeux d’une fillette espagnole qui aurait était chargée par un arrière grand-oncle de trouver le trésor qu’il avait laissé enfoui dans la maison qu’il habitait autrefois sur l’île. Plus que le trésor, ce que découvre mon héroïne est la réalité de Cuba, qu’on peut diviser schématiquement en deux: la merveilleuse île tropicale qui reçoit les touristes, et le pays sous-dévéloppé où les Cubains s’efforcent de sauver quelque chose de leur rêve égalitaire.

Avec ce roman je renoue aussi avec mes débuts, non seulement par le type de roman, mais parce que la bande de jeunes Cubains que l’héroïne espagnole rencontre sont les mêmes qui ont joué le beau role dans mon premier roman publié... dix-sept ans plus tôt!

Ricochet : Y-a-t-il des thèmes que vous ne pourriez pas aborder dans vos ouvrages ?
Joel Franz Rosell : Tout thème qui ne me passionne pas m’est defendu. On ne fait pas de fiction avec des thèmes mais avec des intrigues, avec des personnages, avec des mots soigneusement choisis. Le thème ne doit jamais faire surface et ne doit pas lester l’oeuvre non plus. Sa place est celle du squelette, celle du sang. Le thème doit être intégré à la subtile structure de l’oeuvre et pour cela il faut que l’écrivain soit si imprégné du thème qu’il n’ait même pas conscience de son existence.

Il y a des sujets qui m’intéressent beaucoup sans que j’ose les aborder tout simplement parce que je ne les connais pas assez. Je pense que tout ce qui a rapport à la vie quotidienne des enfants et des jeunes –qu’ils soient Cubains ou Français- doit être discuté entre les écrivains et leurs lecteurs avec franchise et profondeur. Pourtant, le stéréotype et l’opportunisme pullulent dans l’édition pour la jeunesse parce qu’il y a des éditeurs qui veulent disposer d’un catalogue thématique complet et des écrivains qui acceptent la commande en se contentant d’un dossier sommaire pour se documenter.

Les thèmes, en général, sont les mêmes pour les enfants d’aujourd’hui ou d’autrefois et beaucoup de nos problèmes resteront pour les hommes et les enfants du futur. Finalement, il n’y a pas non plus de différences fondamentales entre les enfants qui lisent en France, à Cuba, en Espagne, au Brésil ou ailleurs (mes livres ont été lus et publiés dans ces pays et dans bien d’autres où je n’ai jamais mis les pieds). Je préfère, donc, la perspective du conte, avec ses espaces imaginaires et son intemporalité. Là, je crois pouvoir aborder des thèmes qui intéressent, qui amusent, qui inquiètent mes jeunes lecteurs, avec profondeur mais avec la distance nécessaire pour que ce soit une expérience plus stylisée, plus générale, plus dans la durée.

Pour poursuivre ce dialogue, tapez
http://www.ricochet-jeunes.org/entretiens/entretien/27-joel-franz-rosell

Cuba, terre des débrouilles

  Une fois n'est pas coutume. Habituellement je parle de littérature jeunesse. C'est la spécialité que je cultive en tant qu'aut...