mardi 16 octobre 2012

Tintin se mêle de la question Rom

Hergé a été accusé de tous les maux : d’antisémitisme (ici et là), d’opinions colonialistes (Tintin au Congo), de positions filo-fascistes (pour sa collaboration –et le mot tombe à pic- avec le journal Le Soir pendant l’occupation allemande de la Belgique)...

On oublie par contre souligner ses prises de position progressistes ou tout au moins humanistes lorsqu’il condamne le capitalisme prédateur envers les « peaux-rouges » (Tintin en Amérique), le militarisme japonais face aux Chinois (Le lotus bleu), ou la tentative d’anschluss de la Syldavie par le nazi-fasciste Müstler (Le sceptre d’Ottokar).

La polémique que soulève de nos jours la politique du Ministère français de l’intérieur envers les Rom, nous renvoie à l’exemplaire représentation de la question qui offre Hergé dans son album éponyme Les bijoux de la Castafiore (1963!).   

Il n’y a que Tintin pour ne jamais tomber dans le stéréotype. Tous les autres personnages de l’album, à degrés divers y sont coupables : des fois ils sont indifférents comme la Castafiore,  ou soupçonneux comme Nestor, mais ils peuvent aussi se montrer ouvertement prédisposés contre les Roms.

Au premier abord, les héros de la série, Tintin et Haddock se limitent à constater le déplorable sort des « bohémiens ».



Nonobstant, le capitaine Haddock ne peut pas s’empêcher d’exprimer des préjugés lorsqu’il suppose que les Gens du voyage ne daignent pas camper au milieu des ordures.



Son bon cœur le fait se raviser et il offre généreusement ce que la mairie a nié aux caravaniers : un endroit approprié pour camper.

La même évolution n’est pas à attendre des autres. Le « bon Nestor » est convaincu que les Rom sont nuisibles.

 
Ce n’est qu’à peine mieux de la part d’un autre grand cœur qui, en plus, se trouve être le représentant de la science dans les Aventures de Tintin, le professeur Tournesol.


La question s’aggrave chez les représentants de l’Etat. Certes les Dupond & Dupont sont des brillants exemples du européen moyen, mais ils sont, ne l’oublions pas des policiers professionnels. Ils n’auront la moindre hésitation quant à la culpabilité des Romanichels dans l’affaire du vol des bijoux de la Castafiore. L’absence de preuves n’est pour eux qu’un détail.













Leur prédisposition est parfaitement partagée par l’autre représentant de l’Etat qui intervient dans l’album, le chef du poste de gendarmerie locale, autrement dit le représentant du préfet qui, on s’en doute, est le même qui n’a laissé aux caravaniers autre choix que s’installer dans la décharge publique.









Que le digne fonctionnaire soit traité de perroquet par le capitaine Haddock, n’est pas la conséquence d’un simple gag. Ce serait méconnaître la capacité à multiplier les messages qui est trait caractéristique du style d’Hergé. Ligne claire n’a jamais été synonyme de simplisme et encore moins d’absence de réflexion sur le monde.


« Les bijoux de la Castafiore » raconte l’histoire d’un vol qui n’eut jamais lieu. L’affaire des Rom n’est-il pas, lui aussi, un rideau de fumée ? (en italien, les bons amateurs de BD le savent, phylactère se dit « fumetti »).

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